« Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé« .
Le titre de cette exposition du musée Carnavalet résonne en écho avec le célèbre discours du Général de Gaulle du 25 août 1944:« Paris! Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré ! ».
Avec la visite de cette exposition je boucle la boucle des expositions consacrées à la commémoration du 70ème anniversaire de la Libération de Paris que nous célébrons aujourd’hui.
En effet, après «Août 1944, le combat pour la liberté», hier matin je suis partie enthousiaste et pleine d’attentes à la découverte de cette seconde exposition, à J-1 du 70ème anniversaire.
Le contexte était parfait. J’étais 100% in the mood!
Le 25 août 1944 Paris est libéré!
2 mois et demi après, alors que la France et les alliés se battent encore contre les allemands, le musée Carnavalet ouvre dès le 11 novembre 1944 une exposition sur la Libération. Dès le mois de septembre, François Boucher, alors conservateur du musée Carnavalet et résistant, avait souhaité collecter et récolter les documents pour l’historien de demain. C’est une libération glorieuse et héroïque qu’il importe de valoriser à ce moment. L’émotion prime sur la véracité historique. Le pari était de rendre compte de l’événement sur le vif.
70 ans après, le musée Carnavalet propose de revisiter cette exposition conçue avant même la fin de la guerre.
Aparté.
[ Il est important de vous indiquer dès le début de ce post que je n’ai assimilé le dessein de l’exposition qu’une fois rentrée chez moi, alors que je préparais mon article et lisais le dossier de presse que j’avais imprimé pour l’occasion mais oublié à l’appartement. Grossière erreur.
C’est en effet en lisant ce dernier que j’ai compris le parallèle primordial réalisé entre cette exposition et celle organisée 70 ans plus tôt par ce même musée, que j’ai compris ce que les organisateurs ont souhaité mettre en lumière à travers cette exposition dans l’exposition.
Tout s’est éclairé lors de la lecture de ce dossier. (A ma décharge Môsieur qui m’accompagnait est également complétement passé à côté de cet objectif premier, peut être pas suffisamment clairement affiché. Ou alors nous formons un couple de barrés qui ne comprend rien à rien et qui devrait éviter les visites dominicales de bon matin….).
Nous nous sommes alors refait l’exposition à l’envers et tout a pris sens!
J’ai alors compris pourquoi j’étais sortie un poil déçue de l’exposition, pourquoi il y avait 2 expositions sur le même thème au même moment à Paris…Un éclair de lucidité…..
J’ai négligé et occulté le poids et l’impact de cette 1ère exposition sur laquelle tout repose et qui sert de base à la relecture des évènements proposée aujourd’hui.
Ce qui suit est donc la reconstruction de l’exposition réalisée après cet éclair de lucidité, qui m’a permis d’en percer la subtilité et d’en comprendre l’objectif non pas incompréhensible mais finalement très habile.
J’attendais de nouveau à ce que l’on me raconte l’Histoire (Heureusement que je la connaissais un minimum) alors que le but recherché était beaucoup plus ambitieux, à savoir « comprendre la fabrique de l’image en temps de guerre« ……ça m’apprendra moi & mon penchant pour les parcours pédagogiques-chronologiques-classiques!
Allez pour ceux qui n’ont pas déjà décroché, c’est parti! ]
L’exposition actuelle revient sur l’exposition de 1944 en reprenant des clichés précédemment exposés. Le but étant d’enrichir et de contextualiser le fonds photographique présenté à l’époque et de rappeler au public que la narration des évènements peut être constamment réactualisée, en proposant une exposition renouvelée: l’exposition d’aujourd’hui explique et éclaire celle de 1944.
Le parcours nous démontre que les mémoires individuelles et collectives se sont construites grâce aux images qui, avec le temps, font l’objet d’interprétations variées.
(A noter que toutes les photos appartiennent au musée Carnavalet).
Cette nouvelle approche met notamment l’accent sur les images absentes et les oubliés de cette bataille lors de l’exposition de 1944.
Pourquoi par exemple, les femmes ne sont-elles pratiquement pas représentées sur les photographies sélectionnées et exposées alors qu’elles apparaissent fréquemment dans les vidéos d’époque?
Nous apprenons que les héros qui étaient photographiés étaient principalement des hommes armés, alors que les armes étaient en réalité très rares. Malgré tout, les reporters-photographes ne retenaient que les hommes en armes et gommaient aussi la présence des femmes.
D’autre part où sont les étrangers des forces alliées libératrices qui ont participé à la Libération?
Les tirailleurs sénégalais ont pratiquement tous été évincés suite aux directives des américains qui voulaient « blanchir » l’armée de la libération.
L’armée américaine est venue lutter contre les nazis qui imposaient des lois racistes. Paradoxe énorme pour un pays qui appliquait alors encore la ségrégation raciale….Sachez que le 29 août 1944 à l’occasion du défilé sur les Champs Élysées, les deux divisions américaines qui défilent sont « blanches ».
Nous découvrons également que l’exposition de 1944 présentait de manière parfois biaisée le Paris de la Libération.
Les sources sont souvent manquantes ou oubliées au profit du discours, le choix des photos, des points de vue n’étaient pas neutres. La volonté du photographe était de montrer certaines choses, d’en occulter d’autres, d’héroïser certains personnages en mettant en scène des figures plutôt que d’autres (des personnages grands, beaux, blessés) et d’en faire des « icônes de la mémoire ». Une fabrication qui occulte alors de nombreux aspects.
Par exemple, cette photo ci-dessous que nous devons à Robert Doisneau, laissait apparaitre à la base deux hommes de la FFI allongés derrière une barricade mais un cartel nous apprend que le 1er a été coupé au tirage par souci d’esthétisme/cadrage. Sachez également que cette personne a posé pour le photographe.
Avec ce cliché ci-dessous nous apprenons qu’à défaut d’image immortalisant la libération de la ville de Paris par la signature de la convention de reddition par le général Von Chlotitz, l’exposition avait montré une autre photographie alors réutilisée et détournée.
Une des salles est quant à elle consacrée aux clichés d’amateurs, nombreux étant pris de la fenêtre de leur immeuble.
Les parisiens ont en effet été les acteurs de leur libération mais également les témoins de leur histoire…..
Cette exposition redécouvre et revisite le fonds de 1944 (un des plus beaux fonds sur la Libération de Paris) en auscultant à la loupe les images, en les décortiquant et les analysant . Elle propose une réflexion sur la photographie en tentant de nous donner les clés de la fabrique de l’image en temps de guerre…...Réflexion très ambitieuse et dessein très habile. Il suffit juste de l’assimiler. ^^
Petites informations pratiques: nous avions acheté nos billets sur internet mais sachez que ce ne sont pas des billets coupe-file et qu’il vous faudra les échanger en caisse contre des contremarques… Heureusement faible affluence en ce dimanche d’août.
L’exposition regroupe 250 œuvres photographiques et 15 films en lien avec ces dernières ainsi qu’un film de 30 mn sur la Libération réalisé en 1944 et des fac-similés de journaux en consultation. Son parcours suit la chronologie des événements à savoir: Quotidien des parisiens durant l’occupation, insurrection, barricades & combats de rue, Libération, défilé du Général de Gaulle et présence des américains et des alliés dans la capitale.
A bientôt!
« Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé », Musée Carnavalet
16 rue Francs-Bourgeois – 75003 Paris
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Jusqu’au 8 février 2015.
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