Romanesque truculent

Par Posté dans - Livres le 08 novembre 2015 21 Commentaires

 Bonjour les colibris,

Aujourd'hui, grâce aux Matchs de la la Rentrée Littéraire organisés par PriceMinister (Click), je vais vous parler de La septième fonction du langage, second roman de Laurent Binet.
Quel est le principe des Matchs de la Rentrée Littéraire? Entre le 14 et le 30 septembre dernier, tout le monde pouvait s’inscrire pour recevoir gratuitement le livre de son choix (Une liste de 15 ouvrages était proposée), la seule condition était d'en parler après lecture et de partager son avis sur le réseau de son choix.
Vous comprendrez aisément que bibi ait tenté l'aventure.
J'ai la chance de faire partie des 1000 personnes sélectionnées.
J'ai lu.
Je partage.
6.la septième fonction du langage
Allez on s'installe confortablement et on se plonge dans le roman.
Le point de départ du livre est le 25 février 1980, jour de l'accident de Roland Barthes, grand sémiologue et professeur au Collège de France qui est renversé par une camionnette et qui décédera quelques semaines plus tard. Ces faits sont réels.
Laurent Binet, en s’intéressant à la vie de ce dernier qu'il considère comme un des maîtres ayant le plus compté dans sa formation intellectuelle, découvre deux éléments étranges, au potentiel romanesque très fort: le jour de son accident Roland Barthes sortait d'un déjeuner avec François Mitterrand et il n'avait sur lui ni clés ni papiers, alors qu'il ne sortait jamais sans.
Voilà comment l'idée du roman est née.

A partir de là, il imagine que cet accident est un assassinat et que Roland Barthes détenait à ce moment "Un document vital qui met en jeu la sécurité nationale". A savoir un manuscrit inédit de Jacobson qui lui aurait été dérobé juste après son accident, alors qu'il était inconscient.
Jacobson est un linguiste qui a théorisé les fonctions du langage. (Ne partez pas, moi aussi au début j'ai pris peur mais tout va bien se passer).
L'auteur imagine que ce dernier a découvert une septième fonction qu'il juge tellement puissante qui la garde secrète et ne veut pas la dévoiler au grand public, qui pourrait en faire un mauvais usage.
Et on comprend pourquoi lorsqu'on apprend que cette septième fonction permettrait à celui qui la maitrise d'être le maître absolu de la rhétorique, de convaincre n'importe qui de n'importe quoi dans n'importe quelle situation et donc de devenir le maître du monde.
Rien que ça.
4.la septième fonction du langageCette septième fonction du langage aurait à la fois attisé les convoitises de tout le milieu intellectuel mais également politique de l'époque. Rappelons que nous sommes à la veille des élections présidentielles de 1981 et que la maîtrise absolue de la rhétorique pourrait être bien utile aux différents candidats.
Tous ces acteurs deviennent alors suspects et potentiellement impliqués dans le meurtre de Roland Barthes.

Au vu des risques encourus par l’existence de cette septième fonction, l'accident de Roland Barthes devient rapidement une affaire d'État et une enquête est diligentée au sein de la crème de l’intelligentsia des années 1980.

Elle sera menée par un tandem pas crédible pour un sou, constitué de Bayard, commissaire des RG, personnage de beauf réactionnaire pas très futé mais tellement drôle, intimidé par les intellectuels qu'il méprise. Ce dernier va "réquisitionner" Simon Herzog, professeur à l'Université de Vincennes, traducteur idéal pour l'aider à déchiffrer toutes les subtilités de la sémiologie et du charabia ambiant.

En effet le lecteur va non seulement s'engager dans un roman mais également plonger dans le monde passionnant mais un peu opaque de la sémiologie et de la linguistique, expérience qui pourra s'avérer parfois quelque peu déroutante. D'autant plus que l'auteur multiplie les références, simples clins d’œil pour les initiés, galimatias pour les autres. C'est qu'ici on parle de philosophes analytiques, d’épistémologie générale, de performativité, de signifiant et de signifié.
On pourrait presque se croire dans une sorte de "Sémiologie pour les nuls".
J'ai parfois été un peu rebutée par quelques termes et par l'évocation de certaines notions inconnues mais rien de très méchant, en tout cas rien qui n'ait menacé la compréhension du livre.
En effet, rassurez-vous, pas besoin d'avoir fait des études de philo et de connaitre toutes les références pour comprendre l’intrigue et se marrer, car ce livre est vraiment drôle.
Par contre je pense que cela peut décourager certains lecteurs.
3.la septième fonction du langageLe milieu intellectuel germanopratin
des années 80 reconstitué abrite le développement de la narration, nous croisons ainsi Deleuze, Lacan, Foucault, Derrida, Sollers, BHL.
D'ailleurs toute l'époque est impeccablement restituée, on écoute The Police sur un walkman, Blondie ou Téléphone, on regarde un match de tennis disputé par Bjorg ou McEnroe.

Le livre, construit comme un roman policier, nous emmène à Bologne, à Venise et aux États-Unis et nous révèle l'existence d'une société secrète, le logos club. Une société mystérieuse extrêmement hiérarchisée qui se rassemble lors de joutes oratoires où sont pratiqués les talents rhétoriques.
Une grande trouvaille à mon avis, largement inspirée selon l'auteur du Fight club de Palahniuk et de Fincher.
Au fil des pages, l'enquête progresse et le mystère autour de la mort de Roland Barthes s'éclaircit...

Je m'arrête ici afin de ne pas divulguer d'informations préjudiciables qui pourraient nuire à la découverte de ce livre...

5.la septième fonction du langage

Conclusion:

Je ne lis que rarement les livres dès leur publication. Sauf quand j'arrive à les réserver à la médiathèque (Selon les titres ça peut prendre plusieurs semaines voire quelques mois...) ou si je les pique à mes copines ou collègues.
Par contre j'essaie de me tenir au courant des sorties, je prends un peu la température et j'ajoute des titres sur ma liste sans fin.
Ici l'occasion était parfaite car ce roman au titre improbable, presque rébarbatif, avait titillé ma curiosité.

J'ai dévoré les 200 premières pages du roman, la suite de la lecture a été un peu moins "passionnée".
Cependant dans l’ensemble j'ai trouvé ce livre réjouissant, loufoque et déjanté, pour le moins original et maitrisé.
Laurent Binet n'épargne personne et le roman peut paraitre irrévérencieux, mais je pense qu'il faut le prendre comme une parodie cocasse et truculente.

J'ai très souvent souri et ri à la lecture des nombreuses allusions et autres clins d’œil.

Pas sûre cependant, et malheureusement, que tout le monde puisse apprécier cette lecture.
Si le pitch a piqué votre curiosité, si vous n'avez rien contre les romans qui sortent un peu des chemins battus, si vous avez envie d'un roman qui mêle rocambolesque, érudition et humour détonnant, ce livre est pour vous.

L'année dernière je n'avais pas été sélectionnée au "premier tour" mais grâce à la chaine de lecture organisée par Price Minister, un livre m'avait été envoyé en "seconde main" et j'avais pu découvrir Le royaume d'Emmanuel Carrère. Si cela vous  intéresse, l'article concernant ce roman se trouve ici (Click).

Et vous, que lisez-vous en ce moment? Un coup de cœur à partager?

A bientôt!

(21) commentaires

  • pas@pasdechat - Répondre

    08 novembre 2015 at 22:08

    Effectivement, il est d’actualité en ce moment et j’en ai entendu quelques mots. Ma pile (qui n’avance guère en ce moment) as déjà adopté « les gens dans l’enveloppe ». Tu as des qualités indéniables de critique littéraire parce que celui-ci était très très loin, voire pas du tout, sur la « liste de mes envies ».

    • allmadehere - Répondre

      09 novembre 2015 at 20:19

      Bonsoir Coco,
      J’espère que tu trouveras bientôt un peu de temps pour te poser avec un livre. Je suis sûre que c’est de la faute au campside tout ça ( Le mien est enfin en blocage!).
      Je te remercie pour ton message très gentil et pour la confiance accordée. Donne-moi des nouvelles des gens dans l’enveloppe. J’espère qu’ils ne sont pas trop à l’étroit…huhuhu
      ( je suis plus vive le matin ^^).

  • bluettine - Répondre

    09 novembre 2015 at 07:12

    Moi aussi, j’en ai entendu parler de ce livre. Ta critique me conforte dans l’envie de le lire.
    Merci et bonne journée.

    • allmadehere - Répondre

      09 novembre 2015 at 20:22

      Bonsoir, j’espère que tu ne seras pas déçue si jamais tu te plonges dans cette lecture. Ce roman est un peu atypique mais c’est ce qui fait son charme, et en plus il est drôle.

  • aurélie - Répondre

    09 novembre 2015 at 07:22

    Il me fait pas trop envie celui-là, par contre j’adore ta boule à thé 🙂
    Gros bisous

    • allmadehere - Répondre

      09 novembre 2015 at 20:26

      « Roger that ».
      ^^
      Just a very little touch of pink…

  • Caro - Répondre

    09 novembre 2015 at 13:08

    Ton billet confirme mon envie de lire ce livre 🙂 Je l’avais repéré grâce à un article du collègue qui s’occupe de la littérature contemporaine sur le webmagazine de la Bpi. Voilà le lien si ça t’intéresse : http://www.bpi.fr/litterature/exofictions-1–la-septieme-fonction-du-langage
    Il y a d’autres chroniques sur la rentrée littéraire. Bonne lecture ! biz

    • allmadehere - Répondre

      09 novembre 2015 at 20:27

      Hello, merci pour le lien.
      Il faudra venir nous donner tes impressions après lecture!

  • Lily – TPMBouquins - Répondre

    09 novembre 2015 at 17:02

    Je suis encore en phase de prise de température avec ce roman, mais je pense me le procurer un jour ou l’autre. Laurent Binet a été mon prof pour un module à la fac et j’ai lu son premier roman HHhH.
    Comme je suis un peu familière tes notions de linguistiques et de sémiologie, que Jakobson a fait parti de mon cursus universitaire, je suis très intriguée par ce scénario. J’avoue que la perspective d’une rhétorique ultime qui permettrait de dominer le monde me vend beaucoup de rêve.
    Merci pour ton avis, j’avais surtout entendu des retours de « médias » classiques pour le moment. C’est intéressant d’avoir les avis de la toile 🙂

    xoxo
    Lily

    • allmadehere - Répondre

      09 novembre 2015 at 21:27

      Bonsoir et bienvenue par ici,
      Effectivement, je comprends à la fois ton enthousiasme et ton hésitation…Qu’avais-tu pensé du premier roman? Moi qui ne l’ai pas lu, je l’ai rajouté sur ma loooongue liste.
      J’espère que tu reviendras me donner ton avis si jamais tu te décides à le lire…Ou peut-être que tu lui dédieras un article?
      A bientôt

      • Lily – TPMBouquins - Répondre

        09 novembre 2015 at 21:38

        Ça fait quelques années et je n’ai pas beaucoup souvenirs de son premier roman, sinon que j’avais passé un bon moment de lecture.
        Je pense que je le relirai éventuellement dans la foulée si je me lance dans la septième fonction du language. Dans ce cas là, j’y consacrerai très certainement un article sur mon blog 🙂

  • Bricolage Magique - Répondre

    10 novembre 2015 at 09:19

    J’ai l’impression de revenir en licence d’information et communication.
    Rien que l’évocation de Roland Barthes, ça me donne des sueurs, mais au fond, ça m’a fait plaisir de retrouver tout ça, le temps d’un article… Il a l’air original et déjanté ce livre, ça donne envie. En tout cas, tu en parles très bien et je reviendrai vers toi, si un jour il me prend la folie de le lire 😉

    • allmadehere - Répondre

      10 novembre 2015 at 09:57

      Huhuhu.
      Je suis ravie de t’avoir offert un mini voyage dans le temps ! ^^
      Le moins que l’on puisse dire sur ce livre c’est qu’il est original. Merci d’être passée par ici et à bientôt.

  • Girlie Cinéphilie - Répondre

    10 novembre 2015 at 10:04

    J’en avais entendu parler (au Masque et la plume, je crois) et ça m’avait l’air bien rigolo.
    Tu confirmes mon envie de découvrir ce livre. Mais bon, comme la PAL n’avance pas, on va attendre la sortie poche 😉

    • allmadehere - Répondre

      10 novembre 2015 at 18:12

      Pile à lire! Je viens de comprendre…^^
      J’avais bien compris le sens de KAL et de BAL il me manquait PAL. Tout arrive…
      Comment ça j’ai besoin de vitamine C?

  • coralinelambert - Répondre

    10 novembre 2015 at 15:57

    Intéressant! j’aime beaucoup le romans s’inspirant de faits réels – bien que parfois, ça se révèle moyen (ex Constellation, plus catalogue Ikea qu’autre chose). Plongée en ce moment dans les Dieux arrivent, d’Edith Wharton. pas récent, mais tellement bien!

    • allmadehere - Répondre

      10 novembre 2015 at 18:17

      Mouais Constellation m’a également déçue.
      Je note Les dieux arrivent sur ma liste. Merci pour ce conseil lecture.
      A bientôt!

  • Emeline - Répondre

    11 novembre 2015 at 16:31

    J’ai commencé ce livre sauf que je me suis arrêtée au bout de 150-160 pages, je ne sais plus. Je ne suis pas du tout arrivée à plonger dedans. Pourtant, tout me plaisait au départ et le fait de lire ton article me donne envie de persévérer. Car oui il y a des choses intéressantes dans ce bouquin mais je n’ai pas accroché avec la plume de l’auteur. Peut être que ce n’était pas le bon moment pour moi de le lire… Je retenterai l’expérience c’est sûr !

    • allmadehere - Répondre

      12 novembre 2015 at 05:51

      Bonjour, j’ai également eu un petit « coup de mou » après 200 pages. Et finalement la lecture s’est avérée très réjouissante même s’il faut avouer que c’est un peu du grand n’importe quoi. C’est ça qui m’a plu finalement, l’auteur s’est fait plaisir et c’est contagieux. Pour ma part j’ai du mal à me replonger dans un livre laissé de côté sauf, comme tu le dis si bien, quand ce n’était simplement pas le bon moment.
      Bonne lecture et à bientôt

  • Anchoiade Niçoise - Répondre

    05 janvier 2016 at 20:16

    Héllo,
    Un résumé passionnant du livre mais je t’avoue que je préfère les lectures plus faciles;)
    Bises et merci je pourrai au moins faire mine de l’avoir lu grâce à toi!

    • allmadehere - Répondre

      06 janvier 2016 at 09:57

      Huhuhu.
      Merci à toi pour cette petite tranche de rigolade…
      A bientôt

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