Bonjour les colibris,
Aujourd’hui, grâce aux Matchs de la la Rentrée Littéraire organisés par PriceMinister (Click), je vais vous parler de La septième fonction du langage, second roman de Laurent Binet.
Quel est le principe des Matchs de la Rentrée Littéraire? Entre le 14 et le 30 septembre dernier, tout le monde pouvait s’inscrire pour recevoir gratuitement le livre de son choix (Une liste de 15 ouvrages était proposée), la seule condition était d’en parler après lecture et de partager son avis sur le réseau de son choix.
Vous comprendrez aisément que bibi ait tenté l’aventure.
J’ai la chance de faire partie des 1000 personnes sélectionnées.
J’ai lu.
Je partage.
Allez on s’installe confortablement et on se plonge dans le roman.
Le point de départ du livre est le 25 février 1980, jour de l’accident de Roland Barthes, grand sémiologue et professeur au Collège de France qui est renversé par une camionnette et qui décédera quelques semaines plus tard. Ces faits sont réels.
Laurent Binet, en s’intéressant à la vie de ce dernier qu’il considère comme un des maîtres ayant le plus compté dans sa formation intellectuelle, découvre deux éléments étranges, au potentiel romanesque très fort: le jour de son accident Roland Barthes sortait d’un déjeuner avec François Mitterrand et il n’avait sur lui ni clés ni papiers, alors qu’il ne sortait jamais sans.
Voilà comment l’idée du roman est née.
A partir de là, il imagine que cet accident est un assassinat et que Roland Barthes détenait à ce moment « Un document vital qui met en jeu la sécurité nationale« . A savoir un manuscrit inédit de Jacobson qui lui aurait été dérobé juste après son accident, alors qu’il était inconscient.
Jacobson est un linguiste qui a théorisé les fonctions du langage. (Ne partez pas, moi aussi au début j’ai pris peur mais tout va bien se passer).
L’auteur imagine que ce dernier a découvert une septième fonction qu’il juge tellement puissante qui la garde secrète et ne veut pas la dévoiler au grand public, qui pourrait en faire un mauvais usage.
Et on comprend pourquoi lorsqu’on apprend que cette septième fonction permettrait à celui qui la maitrise d’être le maître absolu de la rhétorique, de convaincre n’importe qui de n’importe quoi dans n’importe quelle situation et donc de devenir le maître du monde.
Rien que ça.
Cette septième fonction du langage aurait à la fois attisé les convoitises de tout le milieu intellectuel mais également politique de l’époque. Rappelons que nous sommes à la veille des élections présidentielles de 1981 et que la maîtrise absolue de la rhétorique pourrait être bien utile aux différents candidats.
Tous ces acteurs deviennent alors suspects et potentiellement impliqués dans le meurtre de Roland Barthes.
Au vu des risques encourus par l’existence de cette septième fonction, l’accident de Roland Barthes devient rapidement une affaire d’État et une enquête est diligentée au sein de la crème de l’intelligentsia des années 1980.
Elle sera menée par un tandem pas crédible pour un sou, constitué de Bayard, commissaire des RG, personnage de beauf réactionnaire pas très futé mais tellement drôle, intimidé par les intellectuels qu’il méprise. Ce dernier va « réquisitionner » Simon Herzog, professeur à l’Université de Vincennes, traducteur idéal pour l’aider à déchiffrer toutes les subtilités de la sémiologie et du charabia ambiant.
En effet le lecteur va non seulement s’engager dans un roman mais également plonger dans le monde passionnant mais un peu opaque de la sémiologie et de la linguistique, expérience qui pourra s’avérer parfois quelque peu déroutante. D’autant plus que l’auteur multiplie les références, simples clins d’œil pour les initiés, galimatias pour les autres. C’est qu’ici on parle de philosophes analytiques, d’épistémologie générale, de performativité, de signifiant et de signifié.
On pourrait presque se croire dans une sorte de « Sémiologie pour les nuls ».
J’ai parfois été un peu rebutée par quelques termes et par l’évocation de certaines notions inconnues mais rien de très méchant, en tout cas rien qui n’ait menacé la compréhension du livre.
En effet, rassurez-vous, pas besoin d’avoir fait des études de philo et de connaitre toutes les références pour comprendre l’intrigue et se marrer, car ce livre est vraiment drôle.
Par contre je pense que cela peut décourager certains lecteurs.
Le milieu intellectuel germanopratin des années 80 reconstitué abrite le développement de la narration, nous croisons ainsi Deleuze, Lacan, Foucault, Derrida, Sollers, BHL.
D’ailleurs toute l’époque est impeccablement restituée, on écoute The Police sur un walkman, Blondie ou Téléphone, on regarde un match de tennis disputé par Bjorg ou McEnroe.
Le livre, construit comme un roman policier, nous emmène à Bologne, à Venise et aux États-Unis et nous révèle l’existence d’une société secrète, le logos club. Une société mystérieuse extrêmement hiérarchisée qui se rassemble lors de joutes oratoires où sont pratiqués les talents rhétoriques.
Une grande trouvaille à mon avis, largement inspirée selon l’auteur du Fight club de Palahniuk et de Fincher.
Au fil des pages, l’enquête progresse et le mystère autour de la mort de Roland Barthes s’éclaircit…
Je m’arrête ici afin de ne pas divulguer d’informations préjudiciables qui pourraient nuire à la découverte de ce livre…
Conclusion:
Je ne lis que rarement les livres dès leur publication. Sauf quand j’arrive à les réserver à la médiathèque (Selon les titres ça peut prendre plusieurs semaines voire quelques mois…) ou si je les pique à mes copines ou collègues.
Par contre j’essaie de me tenir au courant des sorties, je prends un peu la température et j’ajoute des titres sur ma liste sans fin.
Ici l’occasion était parfaite car ce roman au titre improbable, presque rébarbatif, avait titillé ma curiosité.
J’ai dévoré les 200 premières pages du roman, la suite de la lecture a été un peu moins « passionnée ».
Cependant dans l’ensemble j’ai trouvé ce livre réjouissant, loufoque et déjanté, pour le moins original et maitrisé.
Laurent Binet n’épargne personne et le roman peut paraitre irrévérencieux, mais je pense qu’il faut le prendre comme une parodie cocasse et truculente.
J’ai très souvent souri et ri à la lecture des nombreuses allusions et autres clins d’œil.
Pas sûre cependant, et malheureusement, que tout le monde puisse apprécier cette lecture.
Si le pitch a piqué votre curiosité, si vous n’avez rien contre les romans qui sortent un peu des chemins battus, si vous avez envie d’un roman qui mêle rocambolesque, érudition et humour détonnant, ce livre est pour vous.
L’année dernière je n’avais pas été sélectionnée au « premier tour » mais grâce à la chaine de lecture organisée par Price Minister, un livre m’avait été envoyé en « seconde main » et j’avais pu découvrir Le royaume d’Emmanuel Carrère. Si cela vous intéresse, l’article concernant ce roman se trouve ici (Click).
Et vous, que lisez-vous en ce moment? Un coup de cœur à partager?
A bientôt!
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