Bonjour les rouge-gorges,
Je ne sais pas vous mais, alors qu’un livre titille ma curiosité dès sa sortie, je fais parfois mine de l’oublier.
Surtout quand ce dernier connait un succès certain.
Je m’y plonge alors après la foule, non sans plaisir, impatiente de le découvrir à mon tour. Et souvent je me régale.
C’est ce qui s’est passé avec Au revoir là haut de Pierre Lemaitre, Goncourt 2013.
Pierre Lemaitre ne m’était pas inconnu. Le coquin m’avait fait frissonner et avait déjà joué avec mes nerfs avec deux polars anxiogènes au possible Travail soigné et Robe de mariée. Aussi, intriguée par ce changement de cap, j’étais curieuse de découvrir son premier roman « historique ».
Jusqu’à présent auteur de romans policiers/thrillers, l’auteur a choisi ici de situer l’action de son roman dans l’après première guerre mondiale.
Pourquoi écrire sur la première guerre mondiale?
Pierre Lemaitre a toujours voulu écrire sur la première guerre mondiale et ce depuis son adolescence et l’époque où il découvre vers 17 ans les premiers grands récits de guerre, notamment avec la lecture des Croix de bois de Roland Dorgeles qui le bouleverse.
Pourquoi avoir choisi précisément cette période de l’après guerre?
Quand il a commencé à travailler sur cette guerre, il s’est rendu compte que l’avant guerre et la guerre étaient deux périodes richement traitées et formidablement bien documentées et racontées. Alors que lorsqu’il s’est intéressé à l’après guerre, il a été frappé par ce paradoxe (Également présent dans La victoire endeuillée de Bruno Cabanes) : on commémore énormément les morts mais on s’occupe peu des vivants.
La trame romanesque était trouvée.
Les premiers chapitres du roman nous plongent dans les derniers jours de la Grande Guerre, dans la boue et l’enfer des tranchées.
50 pages hallucinantes, percutantes, violentes et incisives, qui m’ont aspirée et pendant lesquelles nous rencontrons les trois personnages principaux du récit.
Le premier de ces personnages est le capitaine Pradelle, aristocrate désargenté qui court après la reconstruction de la fortune et de la renommée de sa famille.
A côté de celui-ci on trouve deux soldats, Albert Maillard, homme discret d’origine modeste, angoissé et faible et Édouard Péricourt, jeune artiste plutôt extravagant dont la famille est quant à elle très riche.
Ces deux-là vont, après un évènement qui va sceller leur destin, former un drôle de tandem, toujours solidaire, souvent tendre et vont tenter au fil des pages de survivre et de trouver leur place dans cette France d’après guerre.
Au cœur de ce roman, deux scandales.
Le premier, inspiré par des faits réels survenus en 1920 et 1921.
En cause une affaire révoltante, celle de milliers d’exhumations illégales de soldats morts au combat, sujet traité par l’historienne Beatrix Pau dont l’auteur a utilisé le travail. Durant la guerre, de nombreux cimetières improvisés émergent non loin des lignes de front, où sont enterrés des centaines de milliers de soldats morts au combat. A la la fin de la guerre il faut déterrer ces morts pour les rendre aux familles ou les transférer dans des nécropoles militaires.
Un travail titanesque nécessitant une logistique considérable. Le gouvernement incapable de prendre cette mission en charge, diligentera des sociétés privées. S’en suivra un commerce honteux sur les cadavres de ces soldats.
Le second, une escroquerie aux monuments aux morts, fictive et astucieuse, imaginée par Édouard Péricourt, et qui sera menée de front par les deux compères. Une arnaque audacieuse et cynique, d’envergure nationale.
Au cœur de ce roman également, une réflexion sur le retour des soldats rescapés dans une société qui ne sait pas comment s’occuper d’eux, qui n’arrive pas à leur trouver un travail et un logement et qui peine même à leur verser leur pension. Des soldats qui vont tomber dans la précarité et dans l’exclusion.
Voilà le sujet du roman.
Cette fiction est servie par une architecture remarquable et une écriture d’une fluidité déconcertante.
Le style est très « visuel » et non dénué d’un certain humour, le plus souvent caustique.
J’ai tenté sans succès de faire durer les 20 dernières pages et ce alors que j’avais dévoré avidement les 580 premières.
J’espère que le prochain gros coup de cœur n’est pas loin et qu’il viendra rapidement prendre le relais.
Je compte sur vous et vos conseils.
Il est certains livres que l’on regrette d’avoir terminés, ce livre étonnant fait partie de la liste.
On se quitte avec les premiers mots du livre, d’une lucidité ironique et détachée :
«Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps, de la guerre justement.»
Belle semaine.
A bientôt
*Le chouette marque page visible sur la 3ème photo m’a été gentiment offert par la très sympathique Olivia, du blog Chez Olivia (Click).
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